Madame, Monsieur,
En 2011, l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) a classé les REM (rayonnements électromagnétiques) comme possibles carcinogènes humains — classe 2B [source].
Cette classification 2B porte à confusion.
Elle ne veut pas dire que les REM causent le cancer.
Les lobbyistes des télécoms s’amusent à dire que la catégorie 2B inclut aussi les fougères et l’extrait de feuille d’aloe vera.
C’est vrai, mais c’est de la manipulation rhétorique (je vous explique pourquoi en PS ci-dessous).
Et surtout, ça n’aide pas à comprendre la classe 2B.
En pratique, cela signifie que les preuves sont limitées, et que des recherches supplémentaires sont nécessaires. Depuis 2011, de nouvelles preuves ont été apportées [source], mais nous n’avons pas encore de conclusions définitives.
En 2020, une méta-analyse a conclu qu’au-delà de 1000 heures passées sur un téléphone, le risque de tumeur augmente significativement [source].
En 2014, une étude française a montré que 30 mn de téléphone par jour pendant 5 ans augmentait sensiblement le risque de tumeur [source].
Deux études (l’une de 2013, l’autre de 2020) ont montré que les femmes qui portaient leur téléphones dans leur soutien-gorge avaient un risque accru de cancer du sein [source].
Par chance, la pratique du téléphone dans le soutien-gorge est en baisse depuis que les téléphones sont devenus si grands. Mais ça pourrait revenir avec le retour des téléphones pliables.
En 2020, une étude de Yale a montré que les utilisateurs intensifs de téléphone avaient un risque plus élevé de cancer de la thyroïde [source].
Beaucoup d’études sur les animaux ont obtenu des résultats non-concluants ou étaient mal conçues.
Pour y remédier, une vaste étude américaine a analysé l’exposition continuelle aux rayonnements 2G et 3G de rats dès la gestation. Ils n’ont pas observé de hausse des fausses couches, mais les nouveaux-nés pesaient moins que ceux du groupe contrôle. Les rats mâles irradiés développaient sensiblement plus de gliomes et de tumeurs au cœur [source]. Il faut savoir que ce genre de maladies sont courantes chez les rats, irradiés ou non.
Je pourrais citer d’autres études (notamment animales), mais ce n’est pas le but ici.
À chaque fois, l’augmentation du risque n’est pas énorme, mais elle reste mesurable. À l’inverse, d’autres études n’ont pas montré de lien entre REM et cancer/tumeur [source, source].
Pour des raisons éthiques, les études humaines sont observationnelles et les seules études solides (randomisées, en double aveugle, contre placebo) sont faites sur des animaux.
Dans les études d’observation, il faut comprendre que les usages du téléphone rapportés par les utilisateurs ne sont pas toujours exacts. Ils peuvent être fortement sous-évalués ou surévalués. Dès lors qu’un sujet soupçonne que la tumeur a été provoquée par les ondes, il aura tendance à surestimer son usage.
Ceci nous empêche d’avoir des résultats concluants sans équivoque. Pour cette raison, il n’est pas certain que nous puissions un jour trancher avec certitude la question du potentiel cancérigène des REM.
Certains scientifiques réclament que les REM passent de classe 2B (possible carcinogène) à 2A (probable carcinogène) [source].
Risque de leucémie chez les enfants
Plusieurs études d’observation ont conclu à un lien entre REM (notamment des lignes à haute tension) et leucémie chez les enfants [source].
En 2015, le Comité Scientifique de la Commission Européenne a admis une corrélation entre une forte exposition aux REM et la leucémie de l’enfant, sans néanmoins établir de lien de causalité [source] : il est dit qu’il y a un lien, mais pas que les REM causent la leucémie.
Deux études californiennes de 2016 et 2017 n’ont pas pu confirmer la corrélation, mais affirment que le risque n’est peut être écarté [source].
À la lueur de ces études, on comprend mieux la prudence de l’OMS.
La sagesse veut donc que nous restions nous aussi prudents face aux technologies récentes que nous ne comprenons pas encore parfaitement.
Bien à vous,
David Farel